Après les excès des fêtes, au Nouvel An, nous sommes nombreux à prendre la résolution de mieux prendre soin de nous-mêmes, et ce au moyen d’une alimentation plus équilibrée et saine et de la pratique d’exercice physique. Le microbiote intestinal peut être un excellent allié pour s’assurer de tirer le meilleur parti de la modification de notre mode de vie, explique le nutritionniste et biologiste Daniel Badia, spécialisé dans l’alimentation et le sport et professeur à l’Université ouverte de Catalogne, en Espagne.

« Le microbiote intestinal influe sur notre santé et notre bien-être en général », explique Badia. « Et pour les athlètes, non seulement les sportifs d’élite, mais tous ceux qui pratiquent une activité physique, cela conditionne également leur performance. »

« Un microbiote déséquilibré contribue à l’inflammation globale de l’organisme, ce qui affecte la capacité de récupération musculaire »

Au dire du nutritionniste, une alimentation déséquilibrée peut causer de l’inconfort intestinal comme la distension abdominale, des carences nutritionnelles, des fermentations excessives, la perméabilité intestinale, voire une sensation de fatigue accrue après l’exercice.

« Nous ne sommes conscients des avantages d’un microbiote équilibré que lorsqu’il ne l’est plus », souligne-t-il pour ajouter qu’« un microbiote déséquilibré contribue à l’inflammation globale de l’organisme, ce qui affecte la capacité de récupération musculaire ».

Une alimentation saine et équilibrée, quant à elle, favorise un microbiote sain qui pourrait influencer les performances sportives. La clé serait le processus de fermentation par les bactéries de certains aliments riches en fibres dans le gros intestin et la production ultérieure d’acides gras à chaîne courte (AGCC). Selon Badia, ces AGCC peuvent être oxydés dans le muscle, ce qui contribue à rendre le glucose musculaire plus disponible. Ils favorisent également l’augmentation du flux sanguin, la sensibilité à l’insuline et la préservation de la masse musculaire, des aspects essentiels, tant du point de vue de la santé globale que de la performance.

« Plus précisément, il a été constaté que les espèces bactériennes qui produisent un type d’AGCC appelé butyrate ont l’effet positif plus important sur la performance et la récupération musculaire », explique l’expert, qui souligne que seules quelques études le corroborent. « Le volume maximal d’oxygène qu’un athlète est capable d’utiliser — une mesure de la performance directe au niveau métabolique — a été analysé et on a remarqué que des niveaux plus élevés de production de butyrate ont un impact sur la capacité accrue d’utilisation de l’oxygène », indique Badia.

Une alimentation saine et équilibrée, quant à elle, favorise un microbiote sain qui pourrait influencer les performances sportives

Des chercheurs de la Harvard Medical School ont mené l’une des études les plus connues et les plus révélatrices sur l’influence du microbiote intestinal sur la performance sportive. Réalisée lors du marathon de Boston en 2014, l’étude a mis en lumière l’importance du butyrate. Dans un article publié dans Nature, les scientifiques ont expliqué que les niveaux d’AGCC étaient plus élevés dans les selles des participants au marathon qui étaient en meilleure forme. Et le butyrate est également l’une des principales sources d’énergie pour les cellules qui tapissent l’épithélium intestinal, de sorte que le fait d’en générer davantage lors de l’activité physique a également eu un impact sur une meilleure santé gastro-intestinale.

Après le marathon, les chercheurs de Harvard ont observé, parmi toutes les bactéries productrices de butyrate, une plus grande abondance de Veillonella dans les selles des coureurs. L’équipe a ensuite réussi à reproduire les résultats dans une cohorte indépendante de rameurs et de coureurs d’élite.

Selon les scientifiques, Veillonella est responsable du métabolisme du lactate, une molécule produite en respiration anaérobie et qui est à l’origine de la douleur causée par la raideur après un exercice intense. Le lactate est généré en abondance pendant un marathon et Veillonella l’utilise pour générer de l’énergie. En retour, Veillonella produit du butyrate, qui favorise la fonction musculaire et boucle ainsi un cercle vertueux. En effet, au cours d’une expérience ultérieure, il a été constaté que lorsque des souris recevaient un probiotique à base de Veillonella, elles couraient 13 % plus longtemps.

L’étude parue dans Nature n’est pas la seule à avoir trouvé un lien entre performance sportive et microbiote. Il a également été démontré que l’exercice régulier modéré augmente la diversité microbienne, ce qui se traduit par une meilleure santé physique et mentale grâce, par exemple, au fonctionnement du métabolisme et à la réponse immunitaire de l’organisme. En ce qui concerne le type d’entraînement, nous pouvons affirmer que l’intensité et la durée de l’exercice ont un impact sur le microbiote intestinal humain. Les exercices d’endurance tels que l’athlétisme peuvent avoir des effets indésirables sur le microbiote intestinal (par exemple, une augmentation de la perméabilité intestinale et des changements négatifs dans la composition du microbiote intestinal) et l’entraînement en force offre des avantages mineurs. En revanche, l’exercice aérobique semble être le plus bénéfique pour le microbiote intestinal.

« Il suffit de faire de l’exercice modéré quatre ou cinq jours par semaine, comme marcher rapidement, monter des escaliers ou s’entrainer à la nage ou à vélo, pour en bénéficier », explique Badia

Bien sûr, la clé est la modération. Des travaux récents sur les effets de la pratique sportive sur le microbiote suggèrent que des entraînements irréguliers, très intenses et longs peuvent provoquer des déséquilibres dans la composition des bactéries intestinales. Et cela, à son tour, influencerait la réponse immunitaire et pourrait conduire à des problèmes de santé chez les athlètes, tels que des infections gastro-intestinales et respiratoires.

De plus, pas besoin d’être un athlète d’élite pour profiter des bienfaits de l’activité physique. « Il suffit de faire de l’exercice modéré quatre ou cinq jours par semaine, comme marcher rapidement, monter des escaliers ou s’entrainer à la nage ou à vélo, pour en bénéficier », explique Badia.

Il souligne qu’il est évidemment crucial de suivre un régime contenant tous les produits réputés améliorer la quantité, la variété et l’activité des bactéries qui vivent dans l’intestin. « Si nous voulons avoir un microbiote sain et diversifié, nous devons nourrir toutes les espèces microbiennes, ce qui signifie suivre un régime alimentaire avec une abondance d’aliments végétaux, aussi variés que possible. »

Cette variété de légumes, fruits, fruits à coque, céréales complètes et légumineuses, tous riches en fibres fermentescibles et en prébiotiques, est importante. Outre les fibres, le microbiote bénéficie également des polyphénols présents dans la curcumine, le resvératrol des raisins et l’épigallocatéchine du thé vert. Il en est de même pour les graisses saines telles que l’huile d’olive extra vierge, et les protéines de qualité, comme les œufs biologiques, les légumineuses et la viande biologique d’animaux nourris à l’herbe.

Consommer des produits fermentés et des probiotiques tels que les produits laitiers fermentés (yaourt, kéfir), la choucroute, la soupe miso ou les olives non pasteurisées est également un bon moyen de prendre soin de notre microbiote intestinal.

 

 

Références

Sánchez-Juárez, A. Una microbiota intestinal alterada puede afectar al rendimiento deportivo (2022) https://www.uoc.edu/portal/es/news/actualitat/2022/219-microbiota-intestinal-deporte.html

O’Brien, M.T., O’Sullivan, O., Claesson, M.J. et al. The Athlete Gut Microbiome and its Relevance to Health and Performance: A Review. Sports Med 52 (Suppl 1), 119–128 (2022). https://doi.org/10.1007/s40279-022-01785-x

Makin S. Do microbes affect athletic performance? Nature 592, S17-S19 (2021). https://doi.org/10.1038/d41586-021-00821-6

Barton W, Penney NC, Cronin O, et al. The microbiome of professional athletes differs from that of more sedentary subjects in composition and particularly at the functional metabolic level. Gut. 2018;67(4):625-633. doi:10.1136/gutjnl-2016-313627

Scheiman, J., Luber, J.M., Chavkin, T.A. et al. Meta-omics analysis of elite athletes identifies a performance-enhancing microbe that functions via lactate metabolism. Nat Med 25, 1104–1109 (2019). https://doi.org/10.1038/s41591-019-0485-4

Estaki, M., Pither, J., Baumeister, P. et al. Cardiorespiratory fitness as a predictor of intestinal microbial diversity and distinct metagenomic functions. Microbiome 4, 42 (2016). https://doi.org/10.1186/s40168-016-0189-7

Bonomini-Gnutzmann, R.; Plaza-Díaz, J.; Jorquera-Aguilera, C.; Rodríguez-Rodríguez, A.; Rodríguez-Rodríguez, F. Effect of Intensity and Duration of Exercise on Gut Microbiota in Humans: A Systematic Review. Int. J. Environ. Res. Public Health 2022, 19, 9518. https://doi.org/10.3390/ijerph19159518