Alors que vous rentrez de vacances, vous constatez, effaré, que vous avez pris quelques kilos. Vous culpabilisez sans doute de vous être laissé aller. Mais n’y aurait-il pas d’autres facteurs à considérer ? Selon une nouvelle étude publiée dans le journal Nature, votre microbiote pourrait aussi avoir sa part de responsabilité dans votre prise de poids !

De nombreuses recherches ont déjà associé les modifications de la composition de la communauté microbienne présente dans l’intestin aux maladies métaboliques comme l’obésité ou la résistance à l’insuline. Jusqu’à présent, les mécanismes sous-jacents à ce lien, ainsi que sa causalité potentielle, demeuraient flous.

Voici qu’une nouvelle étude, menée par des chercheurs de Yale et de l’institut médical Howard Hughes pourrait apporter quelques éclaircissements sur le sujet. Les scientifiques ont découvert chez des rongeurs que certaines molécules produites par les microbes poussaient leur cerveau à modifier la digestion et à augmenter les niveaux d’insuline et de ghréline, appelée l’hormone de la faim, ce qui stimulait la prise alimentaire.

Pour arriver à ces conclusions, ils se sont inspirés des résultats d’une étude précédente. Gerald Shulman Md, (Faculté de médecine de Yale et Institut médical Howard Hughes), a observé que l’acétate, un acide gras à chaine courte, stimulait la sécrétion d’insuline chez les rongeurs. Cette insuline pousse les cellules graisseuses à stocker plus d’énergie, ce qui conduit à une accumulation de graisse et, à la fin, à l’obésité. Shulman a également remarqué qu’une alimentation riche en graisses faisait augmenter le niveau d’acétate dans le sang des animaux.

Pour en savoir plus, Shulman et son équipe ont décidé de conduire de nouvelles expériences chez des animaux obèses. Ils ont d’abord découvert que les animaux nourris avec des aliments riches en graisses présentaient un niveau élevé d’acétate. Ils ont ensuite injecté de l’acétate directement dans le cerveau des rongeurs pendant 10 jours, ce qui les a transformés en d’obèses « machines à manger » sécrétant de grandes quantités d’insuline et de ghréline.

Ils ont observé que l’acétate ne stimulait pas directement les cellules pancréatiques pour produire de l’insuline ; mais que cette molécule lançait un signal du cerveau au pancréas au moyen du nerf vague — un nerf clé qui connecte le cerveau aux organes internes — ce qui augmentait la production d’insuline. En outre, lorsque les chercheurs coupaient le nerf vague ou bloquaient son activité à l’aide de médicaments, l’acétate n’élevait plus le niveau d’insuline.

« L’acétate stimule les cellules bêta du pancréas qui sécrètent une plus grande quantité d’insuline en réponse au glucose par le biais d’un mécanisme centralisé. Il active également la sécrétion de gastrine et de ghréline, deux hormones qui stimulent l’appétit », explique Shulman.

Pour finir, les chercheurs ont observé que les souris dépourvues de germes, élevées dans un environnement stérile, ou traitées avec des antibiotiques pour éliminer leurs bactéries intestinales produisaient de faibles quantités d’acétate. En revanche, lorsque les scientifiques transféraient de la matière fécale à ces rongeurs pour leur restituer leurs microbes intestinaux, les niveaux d’acétate et d’insuline augmentaient à nouveau.

Selon Shulman, « toutes ces expériences ont mis à jour un lien causal entre les altérations du microbiote intestinal en réaction à une modification de l’alimentation et une production d’acétate accrue ». Cette augmentation du niveau d’acétate entraîne à son tour une plus grande prise alimentaire, ce qui établit une rétroaction positive qui conduit à l’obésité et à la résistance à l’insuline, ajoute-t-il. Ceci ne signifie toutefois pas que l’acétate soit la cause de l’obésité chez l’Homme. En effet, le scénario se complique par le fait que le microbiote intestinal transforme rapidement l’acétate en d’autres acides gras à chaine courte. Pour l’heure, les effets positifs ou négatifs de l’acétate demeurent l’objet de débats au sein de la communauté scientifique.

Pour les chercheurs, la prochaine étape consistera à déterminer si ces mécanismes découverts chez les rongeurs, qui expliquent le lien entre un microbiote intestinal altéré, l’obésité et le syndrome métabolique, pourraient être extrapolés à l’Homme.

 

Références :

Perry, RJ, et al. Acetate mediates a microbiome–brain–β-cell axis to promote metabolic syndrome. Nature. 2016 ; 534:213–217. DOI: 10.1038/nature18309