Vous êtes-vous déjà demandé pourquoi le sandwich à l’avocat et au camembert que vous avez mangé hier était si délicieux ? Ou le granola avec du kéfir, de la banane et des graines que vous avez dégusté ce matin ? Croyez-le ou non, tout en améliorant notre bien-être, les microbes jouent un rôle capital dans la formation du goût et dans la texture des aliments que nous consommons. Cela peut sembler évident dans le cas du fromage et du kéfir, mais cela l’est moins lorsqu’il s’agit d’avocats, de fruits et de graines.
Nous savions que ces organismes minuscules – notamment les bactéries – sont essentiels à notre santé générale et que c’est à travers notre alimentation que nous les absorbons chaque jour. Mais, paradoxalement, nous n’en savions guère plus à leur sujet.
Aujourd’hui, pour la première fois, une équipe internationale de chercheurs a cartographié le microbiome de plus de 2 500 types d’aliments provenant de 50 pays. Les chercheurs ont découvert près de 11 000 espèces microbiennes dont la moitié leur est inconnue.
L’une de leurs principales découvertes a été l’influence significative potentielle du microbiome alimentaire sur notre microbiome intestinal. Les chercheurs ont constaté que 3 % du microbiome intestinal d’un adulte sont directement acquis à travers l’alimentation, tandis que chez les enfants en bas âge, ce pourcentage s’élève à 56 %.
Un atlas du microbiome alimentaire
Comme nous l’avons expliqué précédemment dans ce blog, le microbiome humain est composé de près de 40 milliards de microorganismes dont la plupart se trouvent dans l’intestin. De même, un microbiome alimentaire se compose de tous les microbes présents dans un échantillon particulier. Dans certains aliments, ces microbes sont connus ; c’est le cas de la levure utilisée pour la fabrication du pain et de la bière. Nous sommes également familiarisés avec les moisissures du genre Penicillium, car elles donnent au camembert et au brie leur intérieur crémeux (et savoureux) et leur extérieur blanc caractéristique.
Hormis ces exemples bien connus, la plupart des microbes alimentaires n’ont pas encore été identifiés ou restent mal compris. C’est pourquoi les chercheurs ont répertorié plus de 2 500 produits dans un vaste atlas du microbiome alimentaire. Ces produits vont des produits laitiers, des boissons et viandes fermentées aux fruits, légumes, graines germées, viandes et poissons non fermentés. Dans les produits analysés figuraient des produits familiers comme le yogourt, mais aussi le salami, divers légumes en saumure tel le cornichon, mais aussi les olives et le kombucha.
Les chercheurs ont découvert de nouvelles espèces microbiennes dans presque toutes les catégories d’aliments. Seule une petite minorité d’entre elles étaient nocives, comme E. coli ou Staphylococcus aureus, tandis que les autres avaient des effets neutres ou positifs sur les aliments. Chose curieuse, certains microorganismes ont également été identifiés. Bien qu’ils ne soient pas dangereux, ils peuvent être moins souhaitables en raison de leur effet négatif sur la saveur ou la conservation des aliments.
« Il s’agit de la plus grande étude sur les microbes dans les aliments réalisée à ce jour », a déclaré dans un communiqué de presse Nicola Segata, principal coauteur et microbiologiste informatique, de l’université de Trente et de l’Institut européen d’oncologie de Milan.
« Nous pouvons désormais utiliser cette référence pour mieux comprendre comment la qualité, la conservation et la sécurité des aliments, ainsi que d’autres caractéristiques, sont liées aux microbes qu’ils contiennent », a-t-il ajouté.
Selon les auteurs de l’étude, cet « atlas du microbiome » alimentaire pourrait également être utilisé pour authentifier l’identité et l’origine des aliments locaux. « C’est une question importante car cela pourrait conforter l’idée de la spécificité et de la qualité des aliments locaux, et nous pourrions même utiliser la métagénomique pour authentifier les aliments provenant d’une installation ou d’un lieu donné », souligne M. Segata.
Les conséquences sur la santé humaine
Les microbes qui se trouvent dans notre alimentation interagissent avec notre microbiote intestinal, et ces interactions peuvent exercer une influence sur notre santé. La plupart de ces microbes ne restent dans nos intestins que quelques semaines. Or, certains peuvent devenir des membres stables du microbiome intestinal. Au cours de l’étude, les chercheurs ont constaté que 3 % du microbiome intestinal de l’adulte étaient liés au microbiote alimentaire, tandis que chez les nourrissons, ce chiffre s’élevait à 56 % (la raison en est sans doute que la transmission maternelle est plus efficace que la consommation directe d’aliments).
« Si ce pourcentage semble faible, la fonction de ces 3 % dans notre corps peut s’avérer néanmoins très importante. Grâce à cette base de données, nous pouvons à présent lancer des recherches à grande échelle pour savoir comment les propriétés microbiennes des aliments peuvent influer sur notre santé », explique M. Segata.
Les résultats, publiés dans Cell, soulignent l’importance de consommer régulièrement des aliments sains – en particulier des céréales complètes, des fruits, des légumes, des noix et des produits fermentés – pour nourrir et renforcer notre microbiome et donc être en meilleure santé.
La base de données est une ressource en libre accès ; en effet, les chercheurs souhaitent qu’elle contribue à l’élaboration de produits alimentaires plus sains, ainsi qu’à l’amélioration des normes en matière de santé et de sécurité dans l’industrie alimentaire.
Article :
Carlino, Niccolò et al. “Unexplored microbial diversity from 2,500 food metagenomes and links with the human microbiome.” Cell, S0092-8674(24)00833-X. 16 Aug. 2024, doi:10.1016/j.cell.2024.07.039