Bien que les chercheurs sachent maintenant que  le  microbiome intestinal évolue à mesure que les humains vieillissent  et que les maladies liées à l’âge peuvent également affecter le microbiome intestinal, reste à découvrir la manière de vieillir en meilleure santé ou réduire le risque de maladies liées à l’âge au moyen du microbiome intestinal. Outre la génétique, l’alimentation et d’autres facteurs liés au mode de vie tels que la prise de médicaments et les interactions sociales, le microbiome intestinal pourrait aussi s’avérer un facteur clé du vieillissement en bonne santé.

Dans une révision exhaustive parue dans Nature Reviews Gastroenterology & Hepatology, Paul W.O’Toole et ses collaborateurs se sont penchés sur les dernières recherches concernant nos connaissances à ce jour sur l’implication du microbiote intestinal dans le vieillissement et les interventions liées au microbiote intestinal envisagées pour améliorer certains changements associés à l’âge.

Divers aspects du vieillissement affectent le microbiome intestinal, y compris le déclin de l’appétit, de l’acide gastrique, des enzymes digestives, de l’immunité muqueuse et de la fonction de la barrière intestinale, ainsi qu’un plus grand isolement social et la prise de médicaments tels que les antibiotiques. D’autre part, le microbiome intestinal peut également accélérer ou ralentir certains changements corporels qui se produisent au fur et à mesure que nous vieillissons.

En général, avec l’âge la quantité de bactéries protectrices diminue tandis que les bactéries potentiellement nocives deviennent de plus en plus abondantes dans l’intestin, et l’inflammation et la fragilité augmentent.

Des études menées dans plusieurs pays comme la France, le Japon, l’Italie, la Russie, la Chine et l’Inde ont également remarqué chez les centenaires, qui représentent le « vieillissement extrême », une augmentation de plusieurs bactéries bénéfiques pour la santé telles qu’Akkermansia spp. Cependant, il est important de noter que le vieillissement extrême ne signifie pas nécessairement bien vieillir, qui implique une plus grande activité physique, une alimentation équilibrée et un faible déclin cognitif. Dans le même ordre d’idées, un vieillissement malsain peut survenir à tout âge.

Les auteurs de la revue ont divisé les études actuelles en deux types : celles qui se concentrent sur les changements survenus dans le microbiome intestinal en raison du vieillissement naturel, et celles qui analysent comment les maladies liées à l’âge affectent le microbiome intestinal. À partir de ces études, les chercheurs ont identifié trois modèles de bactéries principaux (les taxons) qui évoluent au cours du vieillissement ou des maladies liées à l’âge. Ils ont identifié trois groupes spécifiques de bactéries qui augmentent ou diminuent et qui sont associées à un vieillissement en bonne ou en mauvaise santé.

Le groupe 1 était constitué de bactéries, telles que Bifidobacterium, qui diminuent avec l’âge et sont associées au vieillissement en bonne santé. Le groupe 2 était associé à un vieillissement en mauvaise santé et comprenait des bactéries qui peuvent provoquer des maladies, telles que Streptococcus, Actinomyces et Eggerthella, ainsi qu’une augmentation des gènes impliqués dans la décomposition des médicaments et des molécules. Le groupe 3 du vieillissement en bonne santé comprenait des bactéries telles qu’Akkermansia, qui augmente avec l’âge, mais qui peut diminuer en cas de vieillissement en mauvaise santé. En d’autres termes, les groupes 1 et 3 étaient associés à un vieillissement en bonne santé, tandis que le groupe 2 était associé à un vieillissement en mauvaise santé, qui peut induire un risque accru de fragilité, inflammation, troubles cardiovasculaires et métaboliques et de déclin cognitif.

Ces variations dans la composition du microbiote intestinal pourraient être liées à des changements importants dans la physiologie des personnes âgées. Il est important de signaler que, outre les bactéries, les auteurs ont également relié chaque groupe à des métabolites microbiens et les troubles associés. Par exemple, le groupe 2 (vieillissement en mauvaise santé) était associé à des composés endommageant l’ADN qui pourraient conduire au cancer colorectal, ainsi qu’au métabolite  triméthylamine, lié aux maladies cardiovasculaires et à l’inflammation. Inversement, les groupes 1 et 3 ont été associés au butyrate, un acide gras à chaîne courte bénéfique, qui peut jouer un rôle protecteur contre certaines maladies telles que les troubles cognitifs et l’obésité.

La revue défend également la nécessité de mener des recherches à long terme plus complètes sur la population âgée pour analyser la manière dont certaines interventions ciblant le microbiome intestinal, comme les probiotiques et l’alimentation, peuvent affecter le vieillissement. En effet, les recherches bien conçues pour cette population font défaut. Cependant, la première étude multinationale, complète et à long terme réalisée chez des personnes âgées a révélé que suivre un régime méditerranéen traditionnel pendant un an provoquait un changement sain et stable du microbiome intestinal et une augmentation des bactéries bénéfiques. Cela se traduirait par de meilleurs indicateurs de santé tels que la réduction de la fragilité et de l’inflammation et une amélioration cognitive par rapport aux personnes n’ayant pas modifié leur régime alimentaire.

D’autres études ont également révélé que la consommation de probiotiques, de prébiotiques et de polyphénols, présents dans de nombreux aliments végétaux tels que les myrtilles peut augmenter le nombre de bactéries bénéfiques productrices de butyrate, dont Faecalibacterium et Coprococcus. Celles-ci favorisent le maintien d’une barrière intestinale saine.

 

Message à retenir 

Malgré les études d’intervention analysant les effets potentiels de l’alimentation, des prébiotiques et des probiotiques sur le microbiome intestinal et la santé, les données sur leur impact à long terme restent limitées. Selon les auteurs, concernant les personnes âgées, de nombreuses questions persistent, par exemple : les bactéries disparues peuvent-elles être remplacées ? Ou, quelles seraient les exigences alimentaires spécifiques pour restaurer la santé du microbiome intestinal ?

Il faudra sans doute mettre en œuvre des modèles prédictifs basés sur l’apprentissage automatique et des analyses plus sensibles du microbiome intestinal pour définir les interventions diététiques personnalisées nécessaires à la restauration et au maintien d’un microbiome intestinal qui favorise un vieillissement en bonne santé. Les législateurs doivent en outre lancer des messages plus efficaces sur la nécessité de suivre un régime alimentaire sain et trouver le moyen de rendre ces aliments plus abordables et accessibles à tous, quel que soit leur statut socio-économique.

 

Référence : Ghosh, T.S., Shanahan, F. & O’Toole, P.W. The gut microbiome as a modulator of healthy ageing. Nat Rev Gastroenterol Hepatol (2022). https://doi.org/10.1038/s41575-022-00605-x