Votre cerveau et votre intestin communiquent de trois manières

L’idée que le cerveau et l’intestin communiquent remonte aux XIXe et XXe siècles, lorsque Darwin, Beaumont et Cannon ont observé l’existence d’un lien entre les émotions, les pensées et la digestion.

La recherche sur la façon dont le microbiote intestinal influence le cerveau – et vice versa – n’en est qu’à ses prémices, cependant les chercheurs ont découvert que le microbiote intestinal affecte l’axe intestin-cerveau à travers trois canaux :

  • La signalisation neuronale directe (une communication analogue à la téléphonie mobile) : le nerf vague et les nerfs rachidiens qui alimentent le côlon sont les principaux canaux de communication entre votre intestin et votre cerveau.
  • Les hormones, les neurotransmetteurs et les médiateurs neuroactifs produits par le microbiote intestinal (une communication analogue au service postal) : l’alimentation et les microbes intestinaux jouent un rôle plus important que vos gènes pour expliquer les variations considérables observées dans les métabolites plasmatiques, qui peuvent à leur tour modeler l’intestin et la fonction cérébrale.
  • Les cellules immunitaires (une communication analogue à un appel d’urgence, comme une alarme incendie qui se déclenche en présence de fumée) : l’activation immunitaire est présente chez un sous-ensemble de patients souffrant du SII, mais son impact sur les symptômes n’est pas clair.

Premysl Bercik, chercheur à l’université McMaster s’intéresse au lien entre l’intestin et le cerveau dans le contexte des troubles de l’interaction intestin-cerveau tels que le SII. Il nous explique que des données de plus en plus nombreuses montrent désormais que cette communication entre le microbiote et le cerveau se produit chez la souris et chez l’homme.

 

De nombreux patients atteints du SII souffrent d’anxiété et de dépression

Des études récentes et importantes ont montré que les patients atteints du SII – en particulier les femmes – souffrent fréquemment d’anxiété (4 patients sur 10) et de dépression (3 patients sur 10), ou présentent des symptômes d’anxiété. Mais l’inverse est également vrai, ce qui signifie que les patients souffrant d’anxiété et de dépression ont deux fois plus de risques de développer un SII.

Le lien étroit entre l’anxiété, la dépression et le SII est important, car plus les troubles psychologiques sont élevés, plus la gravité du SII l’est.

C’est pourquoi la plupart des patients atteints du SII ne peuvent pas être traités exclusivement avec un régime alimentaire et ont besoin de moyens non alimentaires pour améliorer leur qualité de vie, diminuer leur stress et leurs symptômes intestinaux. Les thérapies psychologiques (thérapie cognitivo-comportementale et hypnothérapie orientée vers l’intestin), la pleine conscience et même le yoga en constituent quelques exemples. Une bonne santé physique est également importante. L’exercice physique et le fait de passer du temps dans la nature ont des effets psychologiques positifs, qui ont probablement un impact indirect sur l’axe intestin-cerveau.

 

Sommes-nous prêts à utiliser les interventions orientées vers le microbiome afin d’améliorer la santé mentale et le bien-être ?

Plusieurs études ont démontré que le transfert de microbiote de patients souffrant d’anxiété ou de dépression chez des souris exemptes de germes peut induire chez elles un comportement anormal. Cela suggère qu’un microbiote intestinal altéré pourrait être impliqué dans les troubles de la santé mentale et les séquelles psychologiques dont souffrent les patients atteints du SII.

Ce lien entre le microbiote intestinal et la santé mentale a donné lieu au terme « psychobiotique » qui a été employé pour la première fois en 2013 par John Cryan et Ted Dinan de l’université College Cork pour décrire les bactéries vivantes (probiotiques) qui ont un impact sur la santé mentale via le microbiome intestinal.

Plus récemment, la définition des psychobiotiques s’est élargie pour inclure non seulement les probiotiques, mais également les prébiotiques et d’autres moyens d’influencer le microbiote intestinal au profit de la santé mentale :

  • Une alimentation équilibrée, riche en légumes et en aliments fermentés: les personnes qui suivent un « régime psychobiotique », c’est-à-dire riche en fruits, légumes, céréales, légumineuses et aliments fermentés, semblent être beaucoup moins enclines au stress. Le régime méditerranéen s’avère meilleur que les régimes restrictifs à la mode qui évitent les sources de fibres préférées de notre microbiote intestinal. Les résultats préliminaires ont d’ailleurs montré qu’il aide à améliorer les symptômes gastro-intestinaux et psychologiques.
  • Certains probiotiques: de petites études chez des êtres humains ont mis en évidence les avantages de Bifidobacterium longum NCC3001 et de Saccharomyces cerevisiae I-3856 pour améliorer la santé intestinale et mentale des personnes souffrant du SII. Chez les adultes en bonne santé, longum 1714 est source de bénéfices potentiels pour réduire le stress.
  • Les acides gras à chaîne courte: ces molécules issues de la fermentation des fibres par les microbes intestinaux atténuent les symptômes du stress et améliorent la perméabilité intestinale chez des souris exposées à un stress psychologique.

 

 

Références :

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