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Image: The tree of life made out of Nasonia microbes. (Robert Brucker/Vanderbilt)

Le magasine Science a récemment publié une étude menée par les Drs Robert Brucker et Seth R. Bordenstein de l’Université Vanderbilt à Nashville, aux États-Unis, qui semble apporter des indices étayant la « théorie de l’hologénome ». Cette investigation suggère que le microbiome intestinalpourrait avoir une influence majeure sur l’évolution de l’espèce humaine. Nous avons interviewé le Dr Seth Bordenstein afin d’obtenir des informations de première main sur ces recherches.– Comment expliqueriez-vous cette étude à nos lecteurs? 

Notre science repose sur deux questions fondamentales : « Qui sommes-nous en tant que chimères animal-microbes ? » et « Qui sommes-nous en tant qu’espèce animale ? » Certes, la plupart d’entre nous voient généralement les êtres vivants à travers un ensemble sophistiqué de filtres : le génome animal, soumis à la sélection naturelle, s’hérite de façon stable, et détermine comment les nouvelles espèces surgissent à partir d’une descendance ayant subi des modifications génétiques. À l’heure actuelle, en revanche, notre capacité de perception de nous-mêmes au-delà de nos gènes nucléaires subit une transformation évidente. En effet, le développement de la science du microbiome durant la dernière décennie a considérablement contribué à la reconnaissance de la dépendance des espèces par rapport aux microbes. Pour cette étude, le Dr Robert Brucker et moi-même avons entrepris de vérifier si le rôle du microbiome intestinal dans le procès menant à l’apparition de nouvelles espèces avait été négligé lors d’études précédentes.

En utilisant un modèle animal avec des insectes, nous avons d’abord découvert que l’ADN du microbiome intestinal détient des informations sur les liens de parenté ancestraux entre les espèces animales (processus que nous avons dénommé phylosymbiose), de la même façon que l’ADN dans le génome du noyau (phylogénie). Nous avons par la suite prouvé que le microbiome intestinal est primordial pour entraver les croisements entre espèces. Nos travaux, basés sur des expériences d’hybridation, avec et sans microbiome, ont fourni des indices soutenant que l’ADN du noyau et le microbiome intestinal sont essentiels pour la spéciation. Une incompatibilité entre le bon microbiome et le génome nucléaire expliquerait la mort des hybrides issus des croisements entre espèces, stimulant ainsi l’origine des espèces.

 

En quoi ces travaux sont-ils différents des précédents ?

Cette investigation diffère des précédentes du fait qu’elle ajoute le microbiome intestinal à la liste des facteurs génétiques pouvant provoquer la spéciation, ce que Darwin surnomma le mystère des mystères ! Les changements dans le microbiome intestinal, au même titre que les altérations dans les séquences d’ADN dans le noyau et la mitochondrie, peuvent induire l’apparition de deux espèces à partir d’une seule.

 

 Pensez-vous que cette découverte nous fera percevoir l’évolution autrement ?

Les idées reçues sur l’évolution conduiront sans doute certaines personnes à croire que ces découvertes changent la façon dont elles conçoivent la biologie évolutionniste. En revanche, grâce aux progrès exponentiels de la technologie et de la science de ces dernières décennies, pour les biologistes qui se sont longtemps penchés sur les microbes et leurs interactions avec des hôtes animaux, aucune révision substantielle de la biologie évolutionniste ne s’est produite. L’évolution est définie par un changement de l’ADN qui s’opère au cours du temps, et qui induit de nouvelles adaptations et la spéciation. Si le microbiome intestinal est considéré comme un composant majeur, voire prédominant, de l’ADN d’un hôte animal, les altérations du microbiome intestinal peuvent naturellement aboutir à de nouvelles adaptations et à la spéciation, tout comme les modifications dans les gènes nucléaires. Nous adhérons à cette théorie et suggérons que le microbiome intestinal soit perçu comme une partie primordiale de la génétique de l’animal, au même titre que le génome nucléaire et les organites, avec lesquels il constitue l’hologénome. 

 

Il s’agit sans doute d’une investigation fascinante. Nous remercions le Dr Bordenstein pour ses précieuses explications, et nous vous encourageons à visiter les liens suivants pour en apprendre davantage.

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